L'agriculteur belge Hugues Falys lors d'un entretien à Chaumont-Gistoux, le 17 novembre 2025 ( AFP / JOHN THYS )
"Ça fait tellement longtemps qu'on prépare et qu'on attend ce jour": le procès d'un agriculteur belge contre TotalEnergies , qu'il accuse d'être responsable des pertes agricoles liées à la multiplication des événements météorologiques extrêmes, s'est ouvert ce mercredi en Belgique.
"Nos arguments sont solides, les arguments de TotalEnergies sont légers", a assuré l'agriculteur Hugues Falys à l'AFP juste avant le début de l'audience à Tournai, une ville de l'ouest belge, frontalière de la France.
Son raisonnement est le suivant: dès lors que les pertes d'un exploitant peuvent être calculées et que la responsabilité climatique du géant pétrolier français est démontrée, la voie serait ouverte pour contraindre l'entreprise à cesser ses investissements dans les énergies fossiles et à se tourner pleinement vers les énergies renouvelables.
TotalEnergies, qui a été assigné en justice en 2024, conteste sa mise en cause.
"C'est une action que nous déplorons parce que nous pensons que la judiciarisation du débat climatique n'est pas à la hauteur des enjeux", a estimé auprès de l'AFP Sébastien Champagne, avocat du groupe pétrolier.
A son arrivée au tribunal, Hugues Falys a été accueilli par des dizaines de manifestants brandissant des banderoles et arborant des t-shirts "Arrêtez les criminels climatiques".
Le procès s'est ouvert en début de matinée et la parole a été donnée aux plaignants tout au long de la première journée.
- "Arrêtez les criminels climatiques" -
A l'origine de la procédure, l'agriculteur qui est aussi porte-parole du syndicat agricole Fugea, dit avoir vécu entre 2016 et 2020 dans son exploitation du Hainaut quatre épisodes extrêmes: un violent orage qui a détruit ses cultures de fraises et de pommes de terre, puis trois séquences de sécheresse aux graves conséquences pour son activité d'éleveur bovin.
Un agriculteur belge soutenu par trois ONG attaque TotalEnergies devant la justice civile en Belgique, pour faire reconnaître la responsabilité du géant pétrolier français dans les pertes agricoles liées à la multiplication des événements météorologiques extrêmes ( AFP / Alain JOCARD )
"Ces sécheresses ont diminué considérablement la production de fourrages. Il a fallu diminuer le cheptel avec des conséquences en terme de revenus", raconte ce pionnier de l'agriculture durable.
Les deux objectifs du procès sont "la réparation et la transformation", fait valoir la Ligue des droits humains (LDH) de Belgique, qui soutient M. Falys aux côtés de Greenpeace et de l'organisation FIAN, qui défend l'accès pour tous à une alimentation de qualité.
Si les pouvoirs publics belges ont déjà dû répondre devant les tribunaux de leurs actions insuffisantes face au dérèglement climatique, c'est la première fois dans le pays qu'un contentieux "climat" cible une entreprise du secteur pétrolier.
La plaidoirie des avocats de TotalEnergies est prévue le 26 novembre, avant deux autres audiences de débat contradictoire début décembre.
Le jugement, qui sera susceptible d'appel, n'est pas attendu avant début 2026.
- "Pratiques commerciales trompeuses" -
Pourquoi cibler TotalEnergies plutôt qu'une autre firme pétrolière active en Belgique?
Le groupe français est "le premier affineur et distributeur" de produits pétroliers dans le pays, selon Céline Romainville de la LDH, qui pointe sa responsabilité "majeure et indéniable" dans les émissions polluantes.
En Wallonie, "huit agriculteurs sur dix sont confrontés à de graves difficultés liées au dérèglement climatique", estime la LDH.
De son côté, la multinationale estime qu'il n'est "pas légitime" de dénoncer tout le fonctionnement du système énergétique mondial depuis plus de 100 ans en attaquant une "seule entreprise, qui ne pèse qu'un peu moins de 2% du secteur pétrolier et gazier".
Des manifestants se rassemblent devant le siège du groupe bancaire BPCE avant l'assemblée générale de TotalEnergies, à Paris, le 16 mai 2025 ( AFP / Thibaud MORITZ )
Le géant français a déjà été mis en cause dans des procès climatiques, accusé notamment d'avoir dissimulé pour des raisons économiques sa connaissance de l'impact de son activité sur l'environnement.
Fin octobre, il a été condamné à Paris pour "pratiques commerciales trompeuses", pour avoir vanté ses engagements vers la neutralité carbone d'ici 2050. Les associations environnementales à l'origine de la procédure ont salué "un précédent juridique majeur contre la désinformation climatique des majors pétrolières".

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